A sa sortie, Leïla partira vers le pays de sa mère, de l’autre côté de la Méditerranée. Elle espère y trouver du repos et des gens « un peu comme elle », elle ne trouve plus le mot, « vous savez, des gens qui ne se posent jamais nulle part ». Des nomades ? « Oui c’est ça, des nomades ».
Sa co-détenue elle aussi rêve du départ. Elle équipera un camion, elle prendra ses chiens, une canne à pêche, et elle ira poser sa ligne au bord d’un lac, dans un pays de l’Est. Et tant pis pour le suivi socio-judiciaire.
Les désirs d’ailleurs sont aussi variés qu’un catalogue d’agence de voyages. Pour l’un la République Dominicaine, pour l’autre la Thaïlande. Le premier ne sait pas situer le pays de ses rêves sur la mappemonde, l’autre trace et re-trace son itinéraire sur un atlas.
Pour certains, il s’agit de retourner d’où l’on vient. Retrouver son pays, ses racines et ses proches, mettre un terme à la nostalgie de l’exil. Mais parfois aussi rentrer chez soi la tête basse, avouer les erreurs et les échecs.
Pour beaucoup, partir c’est fuir. Fuir un passé douloureux ou dont on a honte. Tenter de laisser ses souvenirs derrière soi, abandonner une vie qui a trop déçue. C’est une page blanche qu’on peut remplir de fantasmes : fantasme de toute-puissance quand les règles de la vie en société sont difficiles à accepter, d’auto-suffisance quand on s’est senti trahi, rêve de réussite quand la confiance en soi vacille. C’est la seule façon d’envisager un nouveau départ, de mettre fin à quelque chose qui se répète.
Au risque d’oublier qu’en voyage, on emmène souvent ses valises avec soi…