Fin mai, le Président de la République accordait la première grâce de son mandat. Celle qui en bénéficiait est une femme de 73 ans, ancienne prostituée qui avait été condamnée à perpétuité en 1988 pour le meurtre d’un de ses clients. Elle est actuellement hospitalisée, et ce depuis de nombreuses années, à l’hôpital de Rennes car elle souffre d’une pathologie psychiatrique grave.
Les médias se sont fait le relais de cette décision prise « pour raisons humanitaires » et « pour redonner du sens à la peine prononcée » selon les mots de l’Elysée. Les articles de presse, que ce soit celui des Echos, du JDD ou du Monde témoignent de la méconnaissance qui entoure les soins psychiatriques aux personnes détenues et posent le problème de façon erronée.
En effet cette femme, contrairement à ce qui a été écrit ne purge pas sa peine à l’hôpital. Rappelons l’évidence, un hôpital est un lieu de soins, dont l’objectif est l’amélioration de la santé du patient afin de permettre sa sortie et son retour à une vie. On n’y retient pas les personnes au titre de sanction. Si cette femme est hospitalisée depuis si longtemps, c’est probablement parce que sa pathologie est aggravée par la détention et que même stabilisée par une prise en charge appropriée, elle ne peut retourner en prison sans que cela n’entraîne une nouvelle décompensation de son état qui conduirait à sa réhospitalisation. De nombreux patients présentent une telle incompatibilité avec la détention et font ainsi de continuels aller-retours entre l’hôpital et la prison. De telles situations ont déjà été condamnées par la Cour européenne des droits de l’Homme (arrêt G contre France du 23/02/2012 notamment). Comment forger un projet de soins pour ces patients dont le seul horizon lorsqu’ils vont mieux est le retour en prison, dont on sait qu’il sera aussi éphémère que délétère ?
Cette femme a semble-t-il pu bénéficier d’une meilleure continuité des soins avec cette hospitalisation prolongée mais son statut de détenue empêche toute possibilité de sortie, même accompagnée, de l’unité où elle se trouve et ce depuis trente ans. Voilà qui a ému, à juste titre son avocate et a été le moteur de cette demande de grâce. Voilà qui heurte également les principes du soin : en attribuant au personnel soignant une fonction de surveillance au risque d’entraîner une confusion des rôles préjudiciable à l’alliance thérapeutique, et en s’opposant à l’objectif d’autonomisation et d’accompagnement vers la cité du patient.
La grâce était-elle la seule alternative ? La suspension de peine pour raison médicale est pourtant prévue dans la loi. (article 720-1-1 du code de procédure pénale) Or aucune demande motivée par une pathologie psychiatrique n’a, à ma connaissance, jamais aboutie. Il faut dire que la loi exclut toutes les personnes hospitalisées en soins sans consentement.
Si tel était le cas pour cette dame, il aurait été judicieux de se questionner sur la pertinence de cette exclusion, qui concerne de fait les personnes les plus malades et pour lesquelles la compatibilité avec la détention pose le plus de problèmes. Si cette dame était hospitalisée avec son accord, alors rien ne s’opposait dans les textes à sa suspension de peine. C’eut été un signe fort qu’elle puisse bénéficier de soins corrects en s’inscrivant dans une procédure de droit commun, accessible à tous ceux qui en relèvent plutôt que d’en faire une décision exceptionnelle, relevant de la mansuétude d’un homme, fut-il président de la République.