Le soleil est au plus haut. Il se joue des murs et des barbelés et darde ses rayons sur le bitume de la cour. Seuls quelques détenus sont sortis, les plus jeunes, qui marchent torse nu ou s’obstinent à faire du sport, puis finissent par s’accroupir, dos au mur, dans une portion congrue d’ombre.
Le reste de la prison est calme, une espèce de torpeur règne à tous les étages. Dans les cellules, tout le monde est allongé. La prison, mal isolée, est un frigo l’hiver et un four l’été. Les corps transpirent à ne rien faire, même penser est une activité trop intense. Il faudra attendre le soir voire même la nuit, et des températures plus clémentes, pour que ce petit monde se remette à vivre. Au fur et à mesure que le soleil décline, le volume sonore augmente.
Comme me le dit un patient aux yeux cernés, il est difficile de dormir. En ouvrant la fenêtre, le bruit rentre en même temps que l’air frais. Dilemme insoluble pour lui qui pousse midi et soir les lourds chariots remplis de gamelles chaudes et finit la journée exténué et en nage.
Monsieur D arrive accoutré en touriste : il porte un bob de plagiste récupéré je ne sais où mais a gardé en-dessous son bandana. Sur ses épaules, il a posé une serviette blanche avec laquelle il s’éponge régulièrement. Comme à chaque entretien aujourd’hui, j’insiste sur l’importance de l’hydratation et propose un verre d’eau. Monsieur D décline : il a pu acheter quelques canettes de soda cette semaine en prévision de la canicule. Il les a mises au frigo aujourd’hui jusqu’au moment de la promenade et vient de partager ses boissons fraîches avec ses deux co-détenus. « Ca faisait trop du bien ! »
Beaucoup d’autres patients ne viennent pas à leur rendez-vous, mais ceux qui se déplacent apprécient la fraîcheur de mon petit bureau dont j’ai poussé la clim à fond et dont je ne sors guère.
Partout ailleurs, la taule s’asphyxie sous la tôle.