Récemment, un patient m’expliquait qu’il avait du mal à dormir en raison du bruit qui régnait la nuit dans la prison. Rien de bien nouveau ni de bien étonnant, ils sont nombreux ceux qui me décrivent les rondes dans les couloirs avec parfois le grincement de l’oeilleton qui se soulève, les clés qui s’entrechoquent suspendues à la ceinture des surveillants, le bruit de la télé que d’autres insomniaques n’éteignent jamais et les ronflements bienheureux de ceux, qui on ne sait comment (parfois à grand renfort de psychotropes), ont tout de même trouvé le sommeil.
Mais de tout cela, j’en ai déjà parlé lors de mon précédent article, me direz-vous.
Sauf que mon patient m’explique qu’il est dérangé par les parloirs !
« Toute la nuit, ça n’arrête pas », me dit-il. Déformation professionnelle oblige, je pense tout de suite à des hallucinations acoustico-verbales et le questionne prudemment pour jauger de l’adhésion à ce symptôme. Pense-t-il réellement qu’il y ait des parloirs nocturnes ?
Le monsieur rit de bon coeur. La fenêtre grillagée de sa cellule donne, comme toutes celles du bâtiment, sur le parking de la prison. La nuit, des familles de détenus s’y retrouvent car par temps clair la voix peut franchir le mur d’enceinte et porter jusqu’aux cellules. C’est l’occasion pour ceux qui, pour des raisons d’enquête ou disciplinaires sont interdits de parloir officiel, ou ceux dont les proches ont des horaires de travail qui ne correspondent pas aux heures d’ouverture des parloirs, d’entendre tout de même une voix bienveillante et d’échanger quelques nouvelles. Ses parloirs sauvages nécessitent tout de même une bonne organisation pour éviter la cacophonie et sont un exemple inattendu d’auto-discipline.
Comme quoi, pour paraphraser une célèbre série américaine, la nuit n’est pas toujours sombre et pleine de terreurs, quelques mots peuvent suffire à l’éclairer !