Jeune médecin psychiatre, j’exerce depuis peu en milieu pénitentiaire. J’interviens sur deux structures : un centre pénitentiaire pour hommes et un centre pénitentiaire pour femmes. Je reçois les personnes incarcérées dans le cadre de consultations régulières et programmées mais aussi dans le cadre de l’urgence.
Ce qui se dit, ce qui se joue, ce qui se décide lors de ces consultations relève de la relation thérapeutique unique qui s’établit entre moi et mes patients, qu’elle s’installe pour quelques minutes dans l’objectif commun de résoudre une situation de crise, ou au fil d’un suivi de plusieurs mois. Dans tous les cas, cette relation n’est possible que si le patient a l’absolue certitude que le secret médical sera respecté. A cette condition seulement, il peut choisir de dire ou de ne pas dire, de donner sa confiance ou de se taire, et se positionner de façon libre et autonome. C’est parce qu je considère que cet espace de liberté et d’autonomie, parfois le seul dont ces personnes disposent en milieu carcéral, est précieux, que le secret médical sera maintenu dans ce blog. Aucun lieu ne sera mentionné, les noms et les détails seront modifiés.
Pour autant, j’ai envie de vous parler de ce métier passionnant, sans cesse changeant au gré des émotions que nos patients nous demandent d’accueillir et de transformer. Et je vois bien, en évoquant que ce que je fais avec des proches (ou des moins proches) que ce désir est partagé.
La folie fascine. La prison reste elle aussi un lieu mystérieux et plein de fantasmes. En dehors d’une curiosité compréhensible, ces deux univers posent des questions universelles, dont tout un chacun peut s’emparer: sur la normalité, sur la liberté, sur la violence… Interrogations auxquelles il existe des réponses individuelles mais aussi collectives puisque notre société doit se positionner sur la façon dont elle traite à la fois les plus vulnérables et ceux qui transgressent ses lois.
Ce blog a donc pour objectifs de témoigner de mon quotidien, de partager avec vous les expériences vécues au fur et à mesure de mon exercice et les réflexions qu’elles ont suscitées, en espérant ainsi alimenter et enrichir les vôtres.
Mon vécu est forcément subjectif et s’assume comme tel, car une des premières choses que j’ai apprise en psychiatrie, c’est que la seule réalité qui existe, c’est la nôtre. J’espère avoir l’occasion d’y revenir.
Bonne lecture,
Shelter.